Nikos Aliagas, les Parisiennes et les clichés

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Mise à jour le 14/04/2021

Nikos Aliagas sous le pont de Bir-Hakeim.
Une fois n’est pas coutume, Nikos Aliagas, journaliste et animateur de télévision, passe derrière l’objectif. Le temps d’une exposition, il rend hommage à Paris et à ses habitantes, "ces femmes discrètes qui font vivre le cœur de Paris".
Du 20 avril au 10 mai 2021, la dernière exposition de Nikos Aliagas, consacrée aux Parisiennes, est visible sur les grilles de l'Hôtel de Ville (4e). Pour l'occasion, le journaliste et animateur de télévision nous explique les dessous de cette exposition et son rapport à la photographie, une passion qui l'habite depuis toujours.

Pourquoi avoir choisi de photographier les Parisiennes ?

Depuis ma naissance, je les observe. Je suis né dans le 11e arrondissement mais j’ai grandi dans le 10e. C’était comme un village où on se connaissait tous. Pour moi, les Parisiennes, c’était les femmes de mon quartier qui n’ont pas demandé la lumière, loin des clichés de la mode et de la sophistication.

On a besoin de raconter l’histoire de celles qu’on ne voit pas dans les médias, des femmes courageuses qui font vivre la ville.

Nikos Aliagas
Mine de rien, faire une exposition sur les Parisiennes me trottait dans la tête depuis longtemps. Je crois qu’aujourd’hui, on a besoin de raconter l’histoire de celles que l’on ne voit pas dans les médias mais qui sont des femmes courageuses et qui font vivre la ville.
Pour moi, Paris est un décor de théâtre, où les femmes ne sont pas des figurantes, mais les protagonistes de son histoire. Ce sont les plus discrètes, mais ce sont elles qui donnent le rythme, le battement de cœur de la ville. À leur façon, sans le chercher, et c’est ce qui me plaît.

Comment les avez-vous rencontrées ?

Pour la plupart, je les ai rencontrées sur le vif, dans la rue. Je pense à cette bouquiniste croisée sur les quais. J’ai d’abord discuté avec elle, puis j’ai sorti l’appareil photo que j’ai toujours avec moi et je l’ai photographiée. J’ai aussi deux mamies assises sur un banc, en train de rire et de boire une bière. Elles me disent « Ne nous prenez pas en photo, nos maris pensent qu’on est en train de faire les courses ».
Il y a eu quelques exceptions, comme l’académicienne Barbara Cassin pour qui il fallait des autorisations pour la photographier dans la cour de l’Institut de France (photo ci-dessous).
Nikos Aliagas en train de faire des photos d'une Parisienne.

Pourquoi avoir opté pour le noir et blanc ?

J’ai voulu privilégier quelque chose qui soit hors du temps. Quelque chose qui aurait pu exister il y a 30 ans, 50 ans, et qui pourrait peut-être exister dans 20 ans. Prendre ces photos en noir et blanc leur donne un côté intemporel, mais aussi une douce mélancolie, comme je l’appelle. Une façon de transformer la réalité en un voyage presque cinématographique, un peu nostalgique.

D’où vient cette passion pour la photographie ?

Je photographie depuis que je suis gamin, mais je me suis remis à faire de la photographie sérieusement à la fin des années 1990. De passion, c’est devenu une nécessité, un moyen d’expression et même une liberté. Pour sortir de la lumière, je passe derrière l’objectif et je mets les autres dans la lumière. C’est très important pour moi aujourd’hui de pouvoir le faire, de raconter une histoire avec une liberté que je n’ai peut-être pas nécessairement tout le temps.
J’ai très vite été fasciné par de grands photographes, comme Willy Ronis, Irving Penn, André Kertész, Sabine Weiss, Sebastião Salgado qui font partie des photographes humanistes qui me bouleversent et dont les photos en noir et blanc m'inspirent encore aujourd'hui.
Nikos Aliagas en train de photographier une Parisienne.

Comment trouvez-vous le temps de faire de la photographie dans votre quotidien ?

C’est justement parce que j’ai un emploi du temps très chargé que je me réserve du temps pour la photographie. J’ai toujours mon appareil photo sur moi. En voiture, je vois quelque chose, je m’arrête et je photographie. Alors évidemment il y a toujours une partie un peu plus brillante, un peu plus glamour, qui sont les stars que je photographie pour la télé et les magazines, mais je n’ai pas envie de me professionnaliser. Pour moi, la photo, c’est une expression et une liberté.
Je prends ce temps car il est important. Parce que je photographie toute la journée, même sans appareil photo. Quand je me réveille le matin, je ne me dis pas : « Qu’est-ce que je vais faire comme belles photos aujourd’hui ? » Je me dis surtout : « Combien de photos je ne vais pas pouvoir prendre aujourd’hui ? »

Ce serait presque une souffrance ?

Oui, et en même temps c’est une libération quand j’appuie sur le déclencheur. C’est un manque, c’est sûr. J’ai l’impression que pendant une quinzaine d’années, je n’ai pas trop photographié. Et quand c’est revenu, je me suis demandé « Mais qu’est-ce que j’ai fait ? ».

Je me suis tellement concentré sur mon travail que j’avais oublié ma façon de regarder le monde. À un moment, je me suis dit qu'il fallait que je reprenne ma liberté et que je partage ce que je vois. J’aime les gens que je photographie. Je ne peux pas photographier quelqu’un ou quelque chose si je n’ai pas d’émotions en le photographiant. Je peux le faire, mais ce ne sera pas une photographie intéressante.
Nikos Aliagas en train de photographier une Parisienne.

Quel est votre rapport à Paris ?

C’est ma ville Paris, j’y suis né et elle m’a tout donné. L’éducation, l’accès à la culture, un métier. Le Paris qui me plaît, c’est celui qui est un peu hors du temps, qui existe depuis plusieurs siècles. Il suffit de se promener pour retrouver l’âme des quartiers.
J’aime particulièrement la rive droite, de République à Rivoli en passant par Bastille jusqu’à l’île Saint-Louis. Mais mon quartier de prédilection reste encore le 10e arrondissement où j’ai longtemps habité.

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